Stimulation sensorielle Alzheimer : 6 sens pour mieux communiquer

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Pourquoi la stimulation sensorielle améliore-t-elle la communication ?

La communication avec une personne atteinte de maladie de la mémoire va au-delà des mots. Les sens (ouïe, vue, odorat, goût, toucher, position du corps) aiguisent notre capacité à interagir avec le monde qui nous entoure et à créer des connexions significatives. En stimulant les sens à travers des objets familiers et des expériences quotidiennes, nous ouvrons de nouvelles voies de communication et d'interaction. Cet article explore comment utiliser les objets du quotidien pour stimuler les sens et enrichir vos échanges avec une personne vivant avec une maladie de la mémoire.

1. La vue : photos, albums et objets colorés

Le sens de la vue reste souvent préservé, même à des stades avancés de la maladie bien que certaines maladies de l'œil peuvent perturber la vue (dégénérescence maculaire liée à l'âge, cataracte, rétinopathie…). Exploiter ce sens offre de nombreuses opportunités d'interaction.

Exemple : créer un "tableau d'humeur" visuel

Géraldine a créé un grand tableau magnétique dans le salon de sa mère, Suzanne. Chaque jour, elles choisissent ensemble des images découpées dans des magazines : fleurs, paysages, animaux… Elles les disposent sur le tableau selon l'humeur de Suzanne. Cette activité visuelle stimule non seulement la vue, mais encourage aussi l'expression des émotions et la prise de décision.

Exercice pratique : exploration d'un album photo

Cet exercice stimule la mémoire visuelle et émotionnelle, tout en créant un moment de partage agréable. Vous pouvez trouver des photos gratuites très intéressantes sur le site Pixabay que vous pouvez imprimer et plastifier par exemple.

2. Le toucher : textures variées et objets familiers

Le toucher offre un moyen direct et rassurant d'interagir avec l'environnement et les autres.

Exemple : un "sac sensoriel" personnalisé

Yves a créé un sac sensoriel pour son père, Robert. Il y a placé divers objets aux textures différentes : un morceau de velours doux, une balle antistress, une petite brosse à poils souples, un galet lisse… Lorsque Robert semble agité, Yves lui propose d'explorer le contenu du sac. Cette activité tactile apaise Robert et crée souvent des opportunités de conversation sur les sensations ressenties.

Exercice pratique : création d'un collage tactile

Cette activité stimule la créativité et le sens du toucher, tout en offrant un support de conversation durable.

3. L'ouïe : musique, sons de la nature, bruits familiers

Les sons ont le pouvoir d'évoquer des souvenirs et des émotions, même lorsque la mémoire fait défaut.

Exemple : playlist personnalisée de chansons d'enfance

Sylviane a créé une playlist pour sa grand-mère, Yvette, contenant des chansons populaires de sa jeunesse. Chaque après-midi, elles écoutent ensemble quelques morceaux. Sylviane a remarqué qu'Yvette, généralement peu communicative, se met souvent à fredonner et parfois même à chanter des paroles qu'elle croyait oubliées. Ces moments musicaux créent une connexion joyeuse entre elles.

Exercice pratique : "devine le son" avec des objets du quotidien

Ce jeu stimule l'audition et la mémoire associative, tout en créant un moment ludique et interactif. Vous pouvez aussi vous inspirer de notre article sur la musicothérapie.

4. L'odorat : parfums et odeurs évocatrices

L'odorat est étroitement lié à la mémoire et aux émotions et offre un puissant outil de communication non-verbale.

Exemple : utilisation d'huiles essentielles pour créer une ambiance

Angélique utilise un diffuseur d'huiles essentielles dans la chambre de son père, Rufus. Elle a remarqué que certaines odeurs influencent positivement son humeur : la lavande l'apaise le soir, tandis que l'orange douce le dynamise le matin. Ces fragrances créent une routine olfactive qui structure la journée de Rufus et facilite les transitions.

Exercice pratique : création d'un "jardin aromatique" en pot

Cette activité stimule l'odorat et le toucher, tout en créant un projet à long terme qui encourage l'engagement quotidien. Pensez à changer les activités, les parfums, les plantes, les lieux tous les mois par exemple pour éviter l'épuisement de l'effet des arômes.

5. Le goût : saveurs familières et nouvelles expériences

Le sens du goût offre des opportunités uniques de connexion et de plaisir partagé.

Exemple : dégustation de fruits de saison

Chaque semaine, Sylvie apporte à sa tante Napoline une sélection de fruits de saison. Elles prennent le temps de les observer, de les sentir, puis de les goûter ensemble. Cette routine simple stimule le goût, la vue, l'odorat et le toucher. Napoline, généralement peu loquace, s'anime souvent pendant ces séances de dégustation et partage des souvenirs liés à certains fruits.

Exercice pratique : préparation d'une recette simple ensemble

Cette activité stimule le goût et l'odorat et favorise l'autonomie comme le sentiment d'accomplissement.

6. La proprioception : mouvement et danse pour une communication corporelle

La proprioception, notre sens du mouvement et de la position du corps dans l'espace, offre une voie de communication unique et puissante, particulièrement à travers la danse.

Exemple : séances de danse adaptée

Hélène, animatrice en EHPAD, a mis en place des séances hebdomadaires de “danse assise” pour les résidents, dont beaucoup sont atteints de maladies de la mémoire. Elle utilise des musiques familières et guide les mouvements des bras, des mains et du haut du corps. Elle a remarqué que même les résidents habituellement peu réactifs participent à ces séances, souriant et se balançant au rythme de la musique. Ces moments de danse créent une atmosphère joyeuse et favorisent les interactions spontanées entre les résidents.

Exercice pratique : danse en duo

Cet exercice stimule la proprioception et l'équilibre, tout en créant un moment de connexion joyeux et non-verbal. La danse permet une communication corporelle directe, favorisant le sentiment de bien-être et de lien social.

Comment combiner les sens pour des expériences multi-sensorielles ?

La combinaison de plusieurs stimulations sensorielles offre une expérience riche et immersive.

Exemple : un "coin des souvenirs" mêlant objets, odeurs et sons

Thomas a créé un espace dédié dans le salon de sa mère, Madine. Il y a rassemblé des objets significatifs de sa vie : son ancien appareil photo, un foulard en soie qu'elle aimait porter, un album de ses chansons préférées, une boîte contenant des sachets de thé à la bergamote (son parfum favori). Lorsque Madine semble désorientée ou anxieuse, Thomas l'invite à explorer ce coin. L'interaction avec ces objets familiers, combinée aux odeurs et aux sons associés, apaise Madine et stimule souvent des conversations sur des souvenirs heureux.

Exercice pratique : organiser une séance de réminiscence multi-sensorielle

Cette activité offre une expérience immersive qui stimule la mémoire et encourage le partage d'expériences personnelles.

 

Questions fréquentes

Par quel sens commencer pour stimuler mon proche atteint d'Alzheimer ?

Commencez par le sens qui semble le mieux préservé et qui correspond aux préférences de votre proche. La vue (photos) et l'ouïe (musique) sont souvent les plus accessibles. Observez les réactions et ajustez progressivement.

Combien de temps doit durer une activité sensorielle ?

15-30 minutes suffisent généralement. Privilégiez la qualité à la quantité. Arrêtez dès les premiers signes de fatigue ou d'agacement. Mieux vaut une courte séance agréable qu'une longue session épuisante.

Mon proche refuse certaines stimulations sensorielles, que faire ?

Respectez toujours ce refus. Réessayez un autre jour avec une approche différente, ou passez à un autre sens. Les préférences évoluent : ce qui déplaît aujourd'hui peut être apprécié demain. La flexibilité est essentielle.

Peut-on faire ces activités même aux stades avancés de la maladie ?

Oui, absolument. Adaptez simplement l'approche : privilégiez les stimulations douces (toucher, musique calme, odeurs apaisantes) et les séances plus courtes. Les bénéfices émotionnels persistent même quand la communication verbale est très limitée.

Faut-il du matériel spécifique ou coûteux ?

Non. Les objets du quotidien suffisent : photos de famille, fruits, tissus, musique sur smartphone, herbes aromatiques. L'important est la charge émotionnelle et les souvenirs associés aux objets, pas leur valeur matérielle.

 

À retenir : adapter les stimulations aux préférences individuelles

L'utilisation des objets du quotidien et la stimulation des sens ouvrent de nouvelles voies de communication et d'interaction avec les personnes atteintes d'une maladie de la mémoire. Ces approches, simples et efficaces, enrichissent les échanges quotidiens et créent des moments de connexion précieux.

Il est essentiel de rester attentif aux réactions individuelles et d'adapter ces techniques aux préférences et au confort de chaque personne. Ce qui fonctionne pour l'un pourrait ne pas convenir à l'autre. Parfois, d'un jour à l'autre il peut être nécessaire de s'adapter et de changer un peu la routine. L'observation, la patience et la flexibilité sont vos meilleurs alliés dans cette démarche.

En intégrant ces approches sensorielles dans votre routine, vous créez un environnement riche en opportunités d'interaction positive. Ces moments partagés, centrés sur les sens et les émotions plutôt que sur la mémoire ou la logique, offrent une nouvelle façon de communiquer et de maintenir des liens significatifs, même face aux défis posés par la maladie de la mémoire.

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Références

À propos des auteurs

Dr Eric MAEKER
Dr Eric MAEKER
Médecin Gériatre
Médecin gériatre et psychogériatre, spécialisé en soins palliatifs gériatriques. Fondateur et président de l'association Emp@thies dédiée à l'humanisation des soins. Membre des comités pédagogiques de l'Université Sorbonne. Auteur de publications scientifiques sur l'empathie médicale, les troubles neurocognitifs et la communication thérapeutique. Directeur de plus de vingt mémoires universitaires.

Bérengère MAEKER-POQUET
Bérengère MAEKER-POQUET
Infirmière Diplômée d'État
Infirmière diplômée d'État avec plus de quinze ans d'expérience hospitalière. Co-fondatrice et secrétaire de l'association Emp@thies. Co-auteure de publications scientifiques sur l'empathie médicale, l'annonce diagnostique et les soins centrés sur la personne. Formatrice en soins relationnels et accompagnement humaniste des personnes âgées.

 

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