Les idées délirantes et les hallucinations sont des symptômes qui surviennent au cours de diverses maladies neurocognitives comme Alzheimer ou les corps de Lewy. Ces symptômes peuvent être déroutants, voire inquiétants, tant pour les personnes qui en souffrent que pour leurs aidants. Comprendre ce que sont ces symptômes, comment ils se manifestent et comment y réagir contribue à mieux accompagner celles et ceux qui en sont atteints.
Cet article se propose de résumer la définition de ces troubles et de présenter des attitudes ou comportements appropriés pour accompagner les personnes qui en souffrent. Il est important d’expliquer avant tout que la suite de cet écrit se limite aux situations concernant la personne âgée atteinte de troubles de la mémoire. Il est préférable d'éviter de transposer à des sujets plus jeunes sans en avoir parlé avec leur médecin.
Enfin, petit élément de prudence, si vous pensez souffrir de tels problèmes, nous vous invitons à consulter un médecin sans délai.
Les idées délirantes sont des fausses convictions, fixes et inébranlables (c'est-à-dire que rien ne peut contredire) et que la personne considère comme vraies. Elles couvrent un large spectre de thèmes. À titre d'exemple, être convaincu que quelqu’un cherche à lui nuire ou qu'un objet pourtant présent a été dérobé.
Une forme un peu particulière existe : les délires par erreur d'identification. Dans ces situations, les personnes se méprennent sur des personnes ou des lieux familiers qu'ils perçoivent comme étrangers ou inconnus (ou inversement). Cela peut se manifester, par exemple, lorsqu'ils ne reconnaissent pas un membre de leur famille, pensent qu'il a été remplacé par un sosie ou croient que leur maison n'est pas la leur. Ces confusions sont dues à des changements dans leur capacité à identifier ce qui est familier.
Les hallucinations, quant à elles, impliquent de percevoir quelque chose qui n'est pas réellement présent. C'est voir des formes ou des personnes dans la pénombre ou entendre parler alors que les gens sont seuls. Il existe des formes qui pourraient sembler partielles et non pathologiques. Il est courant par exemple d’expérimenter la sensation de chute du corps au moment de l'endormissement. C'est un phénomène commun qui est banal et normal.
Ces symptômes alimentent un grand nombre de films comme “Shutter Island”, “Joker”, “Fight Club” ou “The Father”. Il est important de garder à l'esprit que, dans la réalité, ils peuvent provoquer peur, anxiété et confusion chez la personne atteinte.
La première étape vers un mieux-être est de comprendre que ces expériences sont réelles pour la personne concernée alors qu'elles ne le sont pas pour autrui.
Lorsqu'une personne est confrontée à des idées délirantes ou des hallucinations, il est essentiel de réagir avec empathie et compréhension. Il est préférable de laisser la discussion ouverte plutôt que d'ériger des barrages.
Concentrer l'échange sur les ressentis et les besoins est probablement l'attitude la plus recommandée. Parfois, les émotions peuvent être à l'origine de certains problèmes ou elles peuvent les accompagner. Ainsi, il est utile d'aider une personne âgée délirante à reconnaître et exprimer ses émotions. Et comme celles-ci répondent à des besoins (satisfais ou non), comme par exemple se sentir en sécurité, l'action à proposer vise à identifier ces besoins et à les satisfaire. Cela permet d'atténuer la force des émotions et, dans une moindre mesure, les délires ou hallucinations.
Par exemple, un proche résidant en EHPAD se plaint d'avoir été volé. Et, même s'il est prudent (et souhaitable) de vérifier l'information, plutôt que d'alimenter les doléances, l'échange peut se concentrer sur l'état émotionnel : “comment te sens-tu ?”, “ça doit être agaçant”, “c'est insécurisant”. Ensuite, il suffit d'accompagner l'expression émotionnelle et d'essayer de la relier à un besoin. Parfois, avec la maladie, il devient difficile de reconnaître ses propres émotions et celles d'autrui et une aide est toujours bienvenue dans ce contexte. Évidemment, cela ne fonctionnera pas à chaque fois, ou pas tout le temps, si les troubles sont répétitifs. Néanmoins, se sentir compris et entendu est la première étape d'un échange fructueux ! L'écoute active est un allier de point dans cette épreuve.
S'impliquer en tant que membre de la famille participe à apaiser les troubles. Il est vrai que, parfois, trouver cette place avec les équipes soignantes est délicat. Toutefois, chaque pas fait dans cette direction est propice à un retour au calme durable. Que peut-il y avoir de plus insécurisant que d'être éloigné de ses proches, de sa compagne ou son compagnon, de ses enfants ? Bien que les conflits familiaux et le temps puissent générer des tensions entre les proches, la clé pour apaiser ces situations réside dans le rapprochement et la compréhension mutuelle. Il est essentiel de chercher des moyens de réconciliation pour renforcer les liens et favoriser un environnement plus propice pour tous.
Concrètement, des activités ludiques, des promenades, des visionnages de films ou de concerts ou de pièces de théâtre en bonne compagnie sont rassurants. Parfois, un simple appel, qui tant de fois a été reporté, calme d'emblée un délire de jalousie. Si vous êtes limités dans votre planning, il est possible de proposer des enregistrements audio ou vidéo de vous lisant une histoire ou racontant des souvenirs, sa journée, etc.
S'assurer de bien comprendre les troubles et harmoniser les approches sont deux attitudes complémentaires qui permettent d'analyser les symptômes, leurs répercussions et de tenter de leur donner du sens. L'harmonisation des pratiques consiste à établir des techniques communes pour l'équipe et les visiteurs par exemple. Au préalable, les professionnels se mettent d'accord sur les meilleures stratégies à employer et s'assurent de leur cohérence.
Voici une situation à laquelle j'ai été confronté. Une femme âgée en EHPAD est restée marquée par son vécu durant la crise de la COVID-19 et a développé des comportements agressifs envers certaines soignantes. Elle avait été isolée dans sa chambre et avait présenté un délire de persécution qui a perduré. En découvrant ses expériences traumatisantes passées au cours d'un entretien familial poussé, l'équipe a pu adapter son approche. Cela souligne l'importance d'une approche personnalisée, basée sur une compréhension profonde de chaque personne soignée.
Diversifier et associer les techniques est un élément clé pour limiter le phénomène d'habituation tout en cherchant à renforcer leur impact. L'idée est de personnaliser les attitudes en présence de troubles changeants. La tenue d'un “cahier des attitudes” permettrait d'ajuster de manière précise et efficace les approches sur la durée. Cette attitude nécessite un travail d'équipe entre les différents soignants, les médecins et les membres de la famille.
Ces stratégies sont sûrement les plus importantes pour nourrir une relation épanouissante avec des proches souffrant de troubles délirants ou d'hallucinations. Plusieurs autres attitudes telles que : accepter la narration et le vécu “alternatif” au lieu de confronter à la la réalité extérieure, savoir distraire de l'expérience vécue, expliquer une situation sans l'argumenter à outrance, adapter l'environnement (bruits, lumières) sont des compléments indispensables. Elles feront l'objet d'un second article. Les plus curieux pourront retrouver des détails dans nos publications médicales.
Certaines réactions peuvent aggraver les troubles :
Bien souvent, ces comportements signent un épuisement en présence d'une situation répétitive et mal gérée. Un avis médical gériatrique ou psychiatrique est alors la meilleure option à recommander.
Avant l'explosion, longtemps avant ! Et plusieurs fois si nécessaire !
Il est essentiel de reconnaître quand les symptômes requièrent une intervention médicale. Si les délires ou les hallucinations causent une détresse significative, ou si la personne devient un danger pour elle-même ou pour les autres, alors consulter un professionnel est incontournable. Bien que les médicaments ne soient pas toujours la solution, ils peuvent parfois être indispensables. Il est important de comprendre que le traitement ne se limite pas aux médicaments et doit inclure une approche globale.
En présence de délires ou d'hallucinations chez les personnes âgées atteintes d'une maladie de la mémoire, les attitudes et comportements peuvent apporter une aide précieuse. Comprendre et répondre aux besoins émotionnels, impliquer la famille, harmoniser les soins et diversifier les techniques sont des stratégies clés pour un accompagnement efficace et humaniste. Et si les symptômes deviennent graves ou persistants, un avis médical spécialisé est incontournable. Les références scientifiques qui ont servi à rédiger ces conseils sont présentées ci-après.