Le vieillissement de la population représente l'un des plus grands défis du 21e siècle. Face à cette réalité démographique, la recherche d'un vieillissement optimal a suscité de nombreux travaux en gérontologie. Le concept de “vieillissement réussi” (successful aging en anglais) s'est imposé comme un paradigme majeur dans ce domaine. Cet article propose d'explorer l'évolution de ce concept, ses différentes composantes et les critiques qui lui sont adressées, avant de proposer un nouveau cadre d'analyse centré sur le bien-être des personnes âgées.
Le concept de vieillissement réussi est apparu dans les années 1960 avec les travaux de Havighurst. Il visait alors à promouvoir une vision positive de la vieillesse, en opposition aux représentations déficitaires dominantes.
Dans les années 1980-1990, le modèle de Rowe et Kahn a connu un important retentissement. Il définit le vieillissement réussi autour de trois composantes :
Parallèlement, d'autres chercheurs comme Baltes et Baltes ont développé des approches plus psychosociales, envisageant le vieillissement réussi comme un processus d'adaptation dynamique tout au long de la vie.
Au fil des recherches, le vieillissement réussi est apparu comme un concept multidimensionnel, intégrant des aspects :
Cette complexification a permis de mieux rendre compte de la diversité des expériences du vieillir. Cependant, elle a aussi généré des difficultés pour définir et évaluer de manière consensuelle ce qui constitue un vieillissement réussi.
Les tentatives d'opérationnalisation du vieillissement réussi se sont heurtées à plusieurs écueils :
Les conceptions du vieillissement réussi apparaissent fortement influencées par le contexte culturel :
Cette diversité interroge la pertinence d'un modèle unique et universel du bien-vieillir.
La promotion du vieillissement réussi a suscité des critiques quant à ses soubassements idéologiques :
Face à ces limites, nous proposons un cadre d'analyse alternatif, centré sur l'étude des vulnérabilités et des ressources des personnes âgées.
Ce cadre s'inspire des travaux de Schröder-Butterfill et Marianti. Il envisage la vulnérabilité comme résultant de l'interaction entre :
L'originalité de cette approche réside dans la prise en compte :
L'évaluation du bien-être des personnes âgées s'articule autour de trois dimensions clés :
L'évolution du concept de vieillissement réussi témoigne de la complexité des expériences du vieillir. Si ce paradigme a permis de promouvoir une vision plus positive de l'avancée en âge, ses limites appellent à repenser nos approches du bien-être des personnes âgées.
Le cadre d'analyse proposé, centré sur l'étude des vulnérabilités, offre des perspectives prometteuses. En intégrant les dimensions spatiales et temporelles, il permet de mieux saisir la diversité des parcours de vieillissement et d'identifier les leviers d'action pour favoriser le bien-être des personnes âgées, dans toute leur singularité.