La méditation de la vie et des animaux

Bérengère et Éric Maeker, 15 Août 2017.
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Une longue détente, centrée sur la respiration, face à un lot d'arbre m'a élevée au-delà de l'apparence. Alors que je regardais profondément vivre un arbre, des oisillons piaillaient de faim.

Manger, s'alimenter est-il devenu si simple ?

La mère oiseau est arrivée après quelques temps. Mes oreilles étaient encore bercées par le chant affamé des petits, qui restaient immobiles dans le nid douillé préparé par leur père, parti en quête de nouveaux matériaux de construction. Cette femelle oiseau portait dans son bec une espèce de moustique qui se débattait encore. Les oisillons se sont régalés en un instant de cette proie durement chassée. Et soudain, le silence est revenu, propice à la poursuite de la méditation.

Est-il si facile de s'alimenter dans la nature ? Chaque espèce subit un lourd tribut étant à la fois proie et chasseur. Un jour, ils se nourrissent, eux et leurs enfants, le lendemain ils sont dévorés par leurs prédateurs. L'Homme, quant à lui, est sorti de ce cercle alimentaire. Enfin le croit-il !

Les Hommes se nourrissent en grande partie de viande, d'animaux. Comment s'assure-t-il une biomasse suffisante pour subvenir à son insatiable appétit ? C'est par un élevage, intensif, des espèces propices à son contentement, que l'Homme s'est extirpé de ce cercle. Maintenant, chacun se précipite dans les grandes surfaces, remplies de viandes animales (enfin, le consommateur pense qu'il s'agit de viande) et il n'a plus qu'à tendre la main pour attraper un “paquet nourrissier”.

Cela dit, c'est en regardant de près ce mode de fonctionnement, qui laisserait paraître que l'Homme s'est amendé de ses prédateurs, que le prédateur ultime de l'Homme se dévoile. Derrière des images publicitaires, des messages prédigérés, se cache un élevage intensif, massif, industriel irrespectueux du vivant. Des milliers de litres d'eau pour un kilogramme de viande, des tonnes de céréales exploitées pour quelques kilogrammes de viande (céréales cultivées dans un pays agonisant de famine)… Ces être vivants et sensibles, sont conduits à une mort certaine, voire même abandonnés à une vie ignoble, sous des cages, dans des box sans aucune possibilité de mouvement. Les entendons-nous agoniser alors qu'ils sont atrocement abattues ? Entendons-nous l'agonie de centaines d'espèces, dommages collatéraux d'une exploitation massive des océans par exemple ? Entendons-nous la terre craqueler de sécheresse ? Entendons-nous la Conscience de ses animaux sacrifiés à quelques mois de vie, extirpé dès la naissance de l'amour de leur mère ? Entendons-nous nos poubelles se remplir de ce que nous ne consommons même plus ?

Tout cela, pour le développement de notre commerce, alimenté par le plaisir de nos papilles et notre volonté nous maintenir dans une sur-abondance de tout, de peur de dépérir. Notre avidité est sans limite. Les scientifiques nous jugent “supérieurs” aux animaux non-humains. Supérieurs en quoi ? Nous qui détruisons la source même de notre Vie ? Serions nous l'unique espèce capable d'autodestruction ?

Je le vois, maintenant, le prédateur, celui qui détruit notre propre écosystème, celui qui gaspille les ressources… Celui qui causera la perte des animaux “humains”. Et qui d'autre peut le voir ?

La chasse et la cuillette sont à jamais gravées dans nos gênes, certes. Quand redeviendrons-nous cette mère oiseau qui se contente de ce dont elle a besoin ? Est-ce notre mental, notre faculté de penser, notre faculté d'abstraction, de mythification qui nous autorise à tant mépriser les animaux, les réifier ?

Le soleil revient me tirer de cette pensée qui m'a accaparée, qui m'a extrait de ma méditation. J'y retourne…

J'inspire, je suis calme,
J'expire, je suis un animal “humain”.

J'inspire, je vis.
J'expire, la nature est Vie.

J'inspire, connecté à la Vie,
Chacune de mes expirations célèbre la Vie.

J'inspire puis j'expire
Chacun de mes repas sera un moment de lucidité, un moment de Vie.

  • Frédéric Lenoir. Lettre ouverte aux animaux. Fayard, 2017.
  • Pascal Fauliot. contes des sages bouddhistes. Seuil, 2015. Une surprise vraiment bête.

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