La seconde personne participe-t-elle au dialogue positif ?

Bérengère et Éric Maeker, 08 Février 2017. Mis à jour 11 Juin 2018, 02 février 2019.


Dans mes relations à autrui, j’ai découvert
qu’il ne servait à rien, à long terme, de me conduire
comme si j’étais ce que je ne suis pas.
Carl Rogers

La connaissance de soi est
le commencement de la sagesse.
Aristote
Nombreux sont les hommes et femmes qui se cherchent, qui partent sur le long et heureux chemin, menant vers soi-même, son être authentique. Arpentant la voix de la justesse avec soi-même, ils savent à quel point le langage peut jouer en leur faveur ou leur défaveur.

Par quelle magie l’authenticité peut-elle s’exprimer à travers la seconde personne du singulier, le « tu » lorsqu’elle représente dans le discours le soi : « Quand tu fais ceci ou cela » en lieu de place de « Quand je fais ceci ou cela » ? Cette seconde personne s’occulte elle-même, annihile l’autorisation d’être soi-même, d’être connecté à soi-même, à ses ressentis et besoins, et empêche de s’accepter soi-même. Apologie du « Je » dans le « Jeu de la Vie »

Deux amis se parlent au sujet d’un film. L’un évoque son ressenti en utilisant la seconde personne du singulier pour parler d’elle.
Tu es là, tu regardes un film, tu vois les autres rire et toi non, tu n’es pas normal c’est évident.


Dialogue au sein d’un couple. L’épouse constate avoir oublié d’acheter du beurre en faisant les courses.
Tu fais les courses et que tu oublies le beurre, tu es mal pour faire ton gâteau et tu te fais disputer par les enfants.


Quelqu’un discute avec un formateur qui vient d’expliquer les règles d’un jeu. La personne exprime ses difficultés.
Tu participes à une formation et tu ne comprends rien, tu es nul.

Quand j’entends quelqu’un parler d’elle à la deuxième personne, je suis à la fois étonné et peiné. Étonné, car je traduis l’utilisation du « tu » pour parler de soi par une interdiction d’exister. Je suis peiné par cette négation de soi-même parce que j’apprécie de pouvoir me connecter pleinement avec mon être intérieur, celui que je suis en moi, mon être authentique et celui de mes interlocuteurs. Je pense qu’une relation vraie et profonde permet d’améliorer la vie et d’atteindre une authenticité avec laquelle chacun peut communier.
Fort de cette prise de conscience, j’entends et j’accepte cette formulation et j’éprouve le besoin de favoriser l’émergence d’une relation authentique. J’aimerai par ces quelques lignes offrir cette vision.

Comment définir l’authenticité ? Les professionnels de la santé mentale pourront offrir une définition différente selon l’appréciation qui en est faite : conscient/inconscient, personnalité… Carl Rogers appuie l’approche centrée sur la personne sur l’authenticité du thérapeute. Il écrit : « Dans mes relations à autrui, j’ai découvert qu’il ne servait à rien, à long terme, de me conduire comme si j’étais ce que je ne suis pas. » La qualité d’une relation à l’autre passe par l’authenticité dont nous faisons preuve avec nous-mêmes. Et de fait, la connaissance de soi, ce que nous sommes, qui nous sommes, est fondamentale dans la relation à autrui. C’est aussi, comme le souligne Artistote, « le commencement de la sagesse ». Lorsque la parole est authentique, il est possible à tout à chacun de se connecter de façon réelle et profonde. Cette intégrité conservée entre le moi intérieur, et celui exposé au monde extérieur, définit l’authenticité. Elle s’oppose à l’apparence, l’apparat, ces artifices qui servent à se cacher, se déguise ou se masquer.

Le langage du quotidien est une porte d’accès à son authenticité, sa propre acceptation. Oui, car être authentique implique de s’accepter, sinon comment est-il possible de s’exposer avec sincérité au monde extérieur ? De plus, le dialogue intérieur que chacun nourrit avec lui-même est un excellent révélateur de ces mouvements d’acceptation ou de négation de soi.

Être authentique avec soi-même est une des clés du vivre heureux. C’est la juste unité de mesure de la profondeur d’une personne. Car l’absence d’artifice, l’absence de paraître, permet une connexion totale, sans obstacle ni barrière. Elle permet une acceptation des autres et une ouverture au monde efficiente.

Quels sont les moteurs de cette sorte de cécité de soi dans le langage ? Sans appuyer cette analyse sur de quelconques données scientifiquement validées, voici ce qui pourrait être entendu par cette mise sous silence de soi.

La volonté, consciente ou non, de se déresponsabiliser. Lorsque l’idée exprimée traduit un mode de pensée et des suites d’action, le fait d’utiliser la seconde personne permet d’éviter de s’attribuer la responsabilité de ce qui est exposé. Exemple : « Quand tu fais les courses et que tu oublies le beurre, tu es mal pour faire ton gâteau et tu te fais disputer par les enfants. » Le message serait-il plutôt : « Mince, j’ai oublié le beurre pour faire le gâteau. Les enfants vont être déçus. » Dans cette formulation, l’auteur assume l’entièreté de la responsabilité et peut ainsi trouver une solution dont il sera l’acteur.
Pourquoi se déresponsabiliser ? Par habitude ? Par négligence ? Par apprentissage culturel ? Par peur de la sanction ? Quelle qu’en soit la raison, cette attitude effrite la confiance en soi, dénature l’estime de soi, nourrit la peur de s’affirmer et par là même complexifie la connexion aux besoins propres.
Pourquoi ce détail, qui peut sembler si insignifiant, est-il important ? À l’image de ces cailloux, qui, accumulés, finissent par former une montagne infranchissable, chaque négation de soi construit le chemin de l’interdiction pavé de frustrations et d’insatisfaction chronique. Il est fondamental de s’autoriser à être en lien avec ses affections profondes. Et cela passe par le « Je ». De plus, utiliser cette formulation permet de prendre conscience de ses difficultés, de ses ressentis et de ses besoins. Cela donne du sens à la vie et permet d’en redevenir l’acteur principal.

Le « Je » (ou jeu) enlève une pierre à la montagne à chaque victoire. Il s’agit du jeu de la reformulation à la première personne du singulier, ou le « Jeu du Je ». Oui, jouer avec soi-même, car la vivre est un plaisir ! En voici l’unique règle : à chaque apparition de la seconde personne du singulier pour remplacer la première personne (« tu » à la place de « je »), la reformulation à la première personne est une victoire. Une victoire porteuse d’un potentiel d’introspection positive et d’une aide à se rapprocher de son être véritable, de ses besoins, de son authenticité et de son bonheur.

S’autoriser à exister est fondamental pour vivre.

Pour se faire une idée…

Deux amis se parlent au sujet d’un film. L’un évoque son ressenti en utilisant la seconde personne du singulier.
Tu es là, tu regardes un film , tu vois les autres rire et toi non, tu n’es pas normal c’est évident.


Pendant cette scène du film, tout le monde a ri aux larmes sauf moi. Qu’y avait-il d’amusant dans cette scène ?
Je n’ai pas ri lors de cette scène. J’ai sûrement raté l’humour du moment. T’en rappelles-tu ?
Quand je regarde un film et que les autres spectateurs rigolent alors que je reste impassible, je suis perplexe, car j’ai besoin de comprendre la touche d’humour. Accepterais-tu de m’éclairer ?




Dialogue au sein d’un couple. L’épouse constate avoir oublié d’acheter du beurre en faisant les courses.
Tu fais les courses et tu oublies le beurre, tu es mal pour faire ton gâteau et tu te fais disputer par les enfants.


J’ai fait les courses ce matin et je m’aperçois avoir oublié le beurre. Je me sens peinée et chagrinée, car j’avais prévu de faire un gâteau aux enfants pour leur faire plaisir. J’ai besoin de trouver une solution. Dans l’immédiat, je pourrai faire une autre recette et pour les prochaines fois, je dresserai une liste sur papier. Accepterais-tu de m’aider à trouver une autre recette sans beurre ?




Quelqu’un discute avec un formateur qui vient d’expliquer les règles d’un jeu.
Tu participes à une formation et tu ne comprends rien, tu es nul.


Lors de ma dernière formation, nous avons abordé le Jeu du Je, j’ai peiné à comprendre et maintenant je me sens morose, car j’ai le souvenir de m’être senti fortement en accord avec les règles du jeu. J’ai besoin de mieux comprendre pour me permettre d’y jouer régulièrement. Accepteriez-vous d’expliquer à nouveau les règles ?

  • Aucune référence précise
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