Prendre ses distances, d'abord au sens propre

Bérengère et Éric Maeker, 01 février 2018.

On impose, à distance, plus de respect.
Tacite

L'amour sait rapprocher les plus grandes distances, il sait unir parfois le ciel avec la terre.
Johann Wolfgang von Goethe
En plus de l'expression et des mouvements involontaires du corps, la notion de proximité est fondamentale à appréhender, en particulier pour les soignants.

L'expression du corps est d'une importance indéniable. Chaque mouvement, chaque position corporelle est un message qui s'adresse à soi autant qu'à autrui. Par exemple, lorsque la colère monte et que l'opposition est de mise, le corps se rigidifie, la colonne vertébrale devient raide, le regard exprime, au minimum, le désaccord, le ton de la voix change et devient ferme voir hostile. Chez certaines personnes, le visage devient rouge, d'où l'expression “rouge de colère”. L'ensemble du corps exprime un combat, une hostilité. La colère sert essentiellement à protéger son espace vital, ainsi lorsqu'une personne, par ses propos ou ses actes, empiète l'espace vital, un message bruyant lui est adressé afin de le faire fuir, de lui faire peur et de lui indiquer la limite à respecter. Ces attitudes ou modifications corporelles échappent au contrôle volontaire. Pour s'en faire l'idée, il suffit d'essayer, tout en respirant normalement, de forcer son visage à rougir comme dans l'expression de la colère, l'échec est assuré.

Certains psychologues ont étudié les expressions du visage, des séries télévisuelles en ont tiré leur inspiration, surtout lorsqu'il s'agissait de rechercher des signes évocateur de mensonge volontaire.

Au niveau corporel et de façon générale, Edward Hall (1971) précise l'existence de cercles de proximité. Ces cercles imaginaires, dont le centre est la personne et qui l'entourent, précisent le type d'interaction et permettent de définir le niveau d'intimité toléré et ressenti entre deux personnes. Plus les cercles se rapprochent du corps, plus le niveau d'intimité est élevé. Deux personnes amoureuses peuvent être collées l'une à l'autre, car ils s'affectionnent et se transmettent de l'amour. A l'opposé, un employer qui passe son entretien d'embauche avec un patron, dans l'hypothèse qu'ils se rencontrent pour la première fois, restent à une grande distance, avec de préférence un bureau entre les deux comme pour matérialiser la division des deux personnes. Il parait improbable qu'une embrassade amicale soit tolérée par le patron.

Manquer de compréhension de ces cercles d'intimité peut conduire à des situations de rejet, à une volonté d'expulser l'intrus, ainsi qu'à la colère. Les soignants sont fréquemment confrontés à ces cercles de proximité, d'autant plus s'ils sont chargés de prodiguer des soins intimes. En dehors de ce cas de figure, il importe de comprendre et de maîtriser ces distances, car elles matérialisent les limites qu'autrui qualifiera d'acceptable ou non. Une vigilance accrue est recommandée lors de l'interaction avec des personnes en souffrance médicale. Il est à noter que la distance entre deux personnes peut évoluer avec le temps et même au décours d'une conversation. Un soignant peut entrer en contact avec une personne “en s'annonçant” à bonne distance avant de s'approcher, après s'être assuré du consentement de proximité de la personne à soigner.

Voici quelques repères de distance :

  • entre 15 cm et 40 cm de soi, distance intime. Le sentiment d'intimité est très élevé. Seules les personnes intimes et certains soignants y ont accès. S'immiscer dans ce cercle d'intimité d'une personne sans autorisation et sans l'en avertir expose à une vive réaction de rejet et de colère.
  • entre 42 cm et 125 cm de soi, distance personnelle. Les personnes de confiance sont admises dans ce cercle.
  • entre 125 cm et 360 cm de soi, distance sociale.
  • au-delà de 360 cm de soi, distance publique.
  • Edward T. Hall , La Dimension cachée, Paris, Points, 1971.

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