Directives anticipées : 5 étapes pour exprimer vos volontés de fin de vie #
Par Dr Éric Maeker, Bérengère Maeker-Poquet • Publié le • Mis à jour le
✅ S'imposent aux médecins sauf urgence vitale temporaire ou si manifestement inappropriées/non conformes à la situation. La personne de confiance témoigne de vos volontés
✅ Toute personne majeure peut rédiger, modifier ou révoquer à tout moment. Aucune obligation légale mais fortement recommandé
✅ 6 domaines à aborder : refus obstination déraisonnable, réanimation, traitements lourds, alimentation/hydratation artificielles, soulagement de la douleur, lieu de la fin de vie
✅ Conservation : original chez soi + copie personne confiance + médecin traitant + dossier médical partagé (DMP)
Que sont les directives anticipées et pourquoi sont-elles importantes ? #
Les directives anticipées constituent un document écrit par lequel toute personne majeure peut exprimer ses volontés concernant sa fin de vie, pour le cas où elle serait un jour dans l'incapacité de s'exprimer. Instaurées par la loi Leonetti de 2005 et renforcées par la loi Claeys-Leonetti de 2016, elles garantissent le respect de l'autonomie et de la dignité de chaque personne dans les moments les plus vulnérables.
Contrairement aux idées reçues, les directives anticipées ne concernent pas uniquement les personnes âgées ou gravement malades. Un accident, un AVC ou toute situation d'urgence peut survenir à tout âge, rendant impossible l'expression de ses volontés. Rédiger ses directives anticipées, c'est offrir à ses proches et aux équipes soignantes un guide précieux, évitant ainsi les doutes et les conflits dans des moments déjà difficiles.
Quelle est la valeur juridique des directives anticipées ? #
Depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016, les directives anticipées s'imposent aux médecins dans toutes les situations. Le médecin ne peut écarter les directives anticipées que dans deux cas exceptionnels : en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation, ou lorsque les directives apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.
Il est important de noter que les directives anticipées prévalent sur le témoignage de la personne de confiance et de la famille. Elles ont une valeur supérieure dans la hiérarchie des sources d'information sur vos volontés.
Dans ce dernier cas, le médecin doit consulter la personne de confiance désignée, la famille ou les proches, et recueillir l'avis d'un autre médecin. Cette décision collégiale doit être motivée et inscrite au dossier médical. Les directives anticipées ne sont jamais définitives : elles peuvent être modifiées ou révoquées à tout moment, sans formalité particulière.
Qui peut rédiger des directives anticipées ? #
Toute personne majeure et capable peut rédiger ses directives anticipées. Il n'existe aucune obligation légale de le faire, mais c'est un droit fondamental offert à chacun. Les personnes sous tutelle peuvent aussi rédiger leurs directives anticipées, avec l'accord du juge des tutelles.
Les mineurs ne peuvent pas rédiger de directives anticipées. En revanche, la loi prévoit que pour les mineurs comme pour les majeurs sous tutelle, le médecin doit rechercher quelle a pu être la volonté de la personne, notamment en s'entretenant avec les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur.
Quels sujets aborder dans ses directives anticipées ? #
Les directives anticipées permettent d'exprimer vos volontés sur différents aspects des soins de fin de vie. Voici les principaux domaines à considérer.
1. Refus de l'obstination déraisonnable (ou acharnement thérapeutique) #
C'est le point de départ de vos directives. Vous pouvez indiquer clairement que vous refusez l'obstination déraisonnable, c'est-à-dire les traitements qui ne feraient que prolonger artificiellement votre vie sans espoir d'amélioration ou de guérison. Ce principe général guidera ensuite toutes les autres décisions.
2. Réanimation en cas d'urgence #
Souhaitez-vous qu'on tente de vous réanimer (massage cardiaque, respirateur) en cas d'arrêt du cœur ou de la respiration ? Vous pouvez accepter une tentative brève ou refuser toute réanimation si votre état de santé est déjà très dégradé.
3. Traitements lourds ou de maintien en vie #
Vous pouvez exprimer votre position sur certains traitements spécifiques : dialyse, chimiothérapie, antibiotiques, transfusions, respirateur. Par exemple, accepter les antibiotiques pour une infection simple mais les refuser en fin de vie.
4. Alimentation et hydratation artificielles #
L'alimentation par sonde et l'hydratation par perfusion sont des traitements médicaux que vous pouvez accepter ou refuser. Certains souhaitent les maintenir pour le confort, d'autres préfèrent les arrêter quand la fin approche.
5. Soulagement de la douleur #
Vous pouvez demander que votre douleur soit soulagée en priorité, même si les médicaments antidouleur (morphine) peuvent avoir comme effet secondaire de raccourcir votre vie (principe du “double effet” : l'objectif est de soulager, pas d'abréger).
Concernant la sédation profonde (endormissement irréversible jusqu'au décès), elle n'est autorisée par la loi que dans des situations très précises : fin de vie imminente (quelques heures à quelques jours) ET souffrances réfractaires à tous les traitements disponibles, OU arrêt d'un traitement de maintien en vie (respirateur, dialyse…).
6. Où et comment finir sa vie #
Indiquez où vous souhaitez passer vos derniers moments : chez vous, à l'hôpital, en maison de retraite, en unité de soins palliatifs. Vous pouvez aussi mentionner ce qui compte pour vous : présence de proches, musique, pratiques religieuses, don d'organes.
Ce que les directives anticipées ne sont PAS #
Il est important de clarifier certaines demandes fréquentes (à la date de rédaction) :
- Les directives anticipées ne sont pas une demande d'euthanasie (interdite en France)
- Elles ne permettent pas de demander un acte visant à provoquer délibérément la mort
- Elles ne remplacent pas le dialogue avec l'équipe médicale
- Elles ne vous obligent pas à refuser tous les soins
Les directives anticipées portent uniquement sur les soins que vous acceptez ou refusez dans le cadre de la loi française : refus de l'obstination déraisonnable, limitation de traitements disproportionnés, soulagement de la souffrance.
Comment rédiger concrètement ses directives anticipées ? #
La rédaction des directives anticipées ne nécessite aucun formalisme particulier, mais certaines règles facilitent leur reconnaissance et leur application.
Les 5 étapes de rédaction #
1. Réflexion personnelle
Prenez le temps de réfléchir à vos valeurs, vos convictions, ce qui est important pour vous. Discutez-en avec vos proches, votre médecin traitant, éventuellement un conseiller spirituel. Il n'y a pas d'urgence : cette réflexion peut prendre plusieurs semaines ou mois.
2. Rédaction du document
Vous pouvez rédiger vos directives anticipées vous-même ou utiliser un modèle. Le document doit obligatoirement comporter : vos nom, prénom, date et lieu de naissance, la date de rédaction, votre signature. Si vous ne pouvez pas écrire, deux témoins peuvent attester que le document exprime votre volonté libre et éclairée.
3. Choix du format
Vous pouvez opter pour un modèle officiel (disponible sur service-public.fr ou auprès de votre médecin) ou rédiger un document personnel plus détaillé. L'essentiel est que vos volontés soient clairement exprimées. Vous pouvez joindre des explications, préciser le contexte de vos choix.
4. Validation avec un professionnel
Bien que non obligatoire, relisez vos directives avec votre médecin traitant. Si vous avez plus de 65 ans ou des maladies chroniques, un gériatre peut vous aider à mieux anticiper l'évolution de votre santé et à formuler des volontés adaptées à votre situation. Le médecin vous aidera à clarifier vos choix, vous expliquera leurs implications médicales et s'assurera que vos demandes sont réalisables.
5. Information de votre entourage
Informez votre personne de confiance de l'existence de vos directives anticipées et de leur lieu de conservation. Parlez-en également à vos proches et à votre médecin traitant. Ce dialogue permet d'éviter les malentendus et facilite le respect de vos volontés le moment venu.
Où et comment conserver ses directives anticipées ? #
La conservation des directives anticipées est cruciale pour garantir qu'elles soient connues et appliquées le moment venu.
Les lieux de conservation recommandés #
L'original doit être conservé chez vous, dans un endroit facilement accessible et connu de vos proches. Évitez les coffres-forts ou les lieux nécessitant des codes d'accès que personne d'autre ne connaît.
Une copie doit être remise à votre personne de confiance. Informez-la également de l'endroit exact où vous conservez l'original, car elle a pour mission de porter vos directives à la connaissance de l'équipe médicale si vous ne pouvez plus vous exprimer.
Le Dossier Médical Partagé (DMP) permet d'enregistrer vos directives anticipées de manière dématérialisée. Tous les professionnels de santé peuvent ainsi y accéder rapidement. C'est un outil particulièrement utile en cas d'hospitalisation imprévue.
Mise à jour régulière #
Il est recommandé de relire et, si nécessaire, de modifier vos directives anticipées tous les trois à cinq ans, ou après tout événement important : changement d'état de santé, évolution de vos convictions, décès d'un proche, nouveau traitement médical.
Pour modifier vos directives, rédigez simplement un nouveau document daté et signé, qui remplace automatiquement le précédent. Pensez à détruire les anciennes versions et à informer les personnes qui en détenaient une copie.
Quelle différence entre directives anticipées et personne de confiance ? #
Les directives anticipées et la personne de confiance sont deux dispositifs complémentaires mais distincts.
Les directives anticipées #
Ce sont des instructions écrites que vous rédigez vous-même pour exprimer vos volontés. Elles ont une valeur contraignante pour les médecins et s'appliquent lorsque vous ne pouvez plus vous exprimer.
La personne de confiance #
C'est une personne majeure que vous désignez pour vous accompagner dans votre parcours de soins et être consultée si vous n'êtes plus en mesure d'exprimer votre volonté. Elle peut être un membre de votre famille, un proche, votre médecin traitant. Sa désignation se fait par écrit.
La personne de confiance a pour rôle de témoigner de vos volontés orales, d'accompagner vos consultations médicales si vous le souhaitez, d'être consultée en cas de décision médicale importante. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage (famille, proches) mais les directives anticipées prévalent sur son témoignage.
Que se passe-t-il si je n'ai pas rédigé de directives anticipées ? #
En l'absence de directives anticipées, les médecins doivent rechercher quelle aurait été votre volonté en consultant, dans l'ordre : votre personne de confiance si vous en avez désigné une, votre famille, vos proches, tout élément permettant de connaître vos souhaits.
Cette situation peut être source de difficultés : les proches ne sont pas toujours d'accord entre eux, ils peuvent projeter leurs propres peurs plutôt que vos véritables souhaits, ou être dans une grande détresse face à ces décisions. C'est pourquoi il est préférable d'avoir exprimé vos volontés par écrit, même de manière générale.
Questions fréquentes
Dois-je obligatoirement rédiger mes directives anticipées ?
Non, aucune obligation légale. Mais fortement recommandé dès 50 ans ou en cas maladie chronique. Avantages : soulage proches décisions difficiles, garantit respect volontés, évite conflits familiaux, guide équipes médicales. Selon sondages, 85% Français favorables mais seulement 15% rédigent. Procrastination fréquente par peur confrontation finitude.
Quelle est la différence entre directives anticipées et testament ?
Testament = transmission patrimoine après décès (notaire obligatoire). Directives anticipées = volontés médicales fin de vie si impossibilité s'exprimer (papier libre suffit). Deux documents distincts, objectifs différents. DA pas d'impact patrimonial, pas besoin notaire. Conservation différente : testament chez notaire, DA accessibles équipe médicale rapidement.
Puis-je changer d'avis après avoir rédigé mes directives ?
Oui, absolument et à tout moment. Aucun délai attente, aucune justification nécessaire. Rédigez simplement nouveau document daté signé qui remplace automatiquement précédent. Informez personne confiance, médecin traitant, détruisez anciennes versions. Modification recommandée tous 3-5 ans ou après événement majeur (diagnostic, traitement, changement convictions).
Que se passe-t-il si mes directives sont introuvables en urgence ?
Médecins consultent DMP (Dossier Médical Partagé) si vous l'avez activé. Sinon, contactent personne confiance puis famille. En urgence vitale immédiate, réanimation entreprise temps localiser directives. D'où importance : 1) Enregistrer DMP, 2) Informer entourage leur existence, 3) Copie portefeuille/carte vitale mentionnant existence.
Mes directives s'appliquent-elles si je suis hospitalisé à l'étranger ?
Législations varient selon pays. Union Européenne : reconnaissance mutuelle progressive mais incomplète. Hors UE : dépend législation locale. Précautions : traduction anglais + langue pays destination, copie valise voyage, carte mentionnant existence (français + anglais), contact ambassade française possible. Assurance rapatriement sanitaire recommandée.
Puis-je refuser tous les soins dans mes directives ?
Oui, droit fondamental refuser traitements. Mais médecin peut juger directives “manifestement inappropriées” si : refus soins pour pathologie curable, directives rédigées état dépression sévère non traitée, confusion entre acharnement thérapeutique et soins proportionnés. Médecin doit alors procédure collégiale avant écarter directives. Soins confort (antalgiques) toujours maintenus.
À retenir : un acte d'autonomie et de bienveillance #
Rédiger ses directives anticipées constitue un acte d'autonomie qui permet de rester maître de ses choix jusqu'au bout de sa vie. C'est aussi un acte de bienveillance envers ses proches, que l'on soulage du poids de décisions difficiles dans des moments de grande vulnérabilité. Au-delà de leur valeur juridique, les directives anticipées sont avant tout un outil de dialogue : avec soi-même, pour clarifier ses valeurs et ses priorités ; avec ses proches, pour partager ses convictions ; avec les équipes soignantes, pour garantir des soins respectueux de sa dignité.
Que vous choisissiez un modèle simple ou une rédaction personnalisée détaillée, l'essentiel est que vos volontés soient clairement exprimées et facilement accessibles. N'hésitez pas à solliciter l'aide de votre médecin traitant ou d'un gériatre pour vous accompagner dans cette démarche importante.
Références #
- Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (loi Claeys-Leonetti)

