Par Dr Éric Maeker, Bérengère Maeker-Poquet • Publié le • Mis à jour le
Vous êtes dans l'une de ces situations ?
Ce guide va vous aider à comprendre ce que signifie vraiment ce score.
Vous venez de sortir du cabinet médical. Votre parent a passé un “test de mémoire” (le MMSE). Le médecin vous a parlé d'un score de 23/30, 26/30, ou peut-être 13/30.
Et maintenant, vous êtes inquiet. C'est tout naturel. Vous vous posez sûrement mille questions.
La vérité que peu de médecins non-gériatres prennent le temps d'expliquer :
Un score de MMS seul ne veut pas dire grand-chose.
Je suis le Dr Éric Maeker, gériatre depuis plus de 20 ans. J'ai fait passer des milliers de tests MMS. Et je vois régulièrement des familles paniquées ou, à l'inverse, faussement rassurées à cause d'une mauvaise interprétation de ce test.
Ce guide va vous expliquer :
Le MMSE (Mini-Mental State Examination) est un questionnaire rapide de 30 questions que les médecins utilisent pour repérer d'éventuels troubles de la mémoire et d'autres fonctions cérébrales. On l'appelle aussi “MMS” ou “test de Folstein”.
⏱️ La durée de passation est de 8 à 10 minutes au cabinet médical ou en téléconsultation.
🎯 Son objectif principal est d'avoir une première idée sur l'état du fonctionnement du cerveau (mémoire, orientation, etc.), toutefois ce n'est qu'un point de départ, jamais un diagnostic final.
Le MMS permet un repérage rapide et standardisé des troubles cognitifs c'est-à-dire des fonctions du cerveau dans différents domaines. Il est rapide et facile à faire passer, même en téléconsultation. Il sert à suivre l'évolution dans le temps des différents problèmes du fonctionnement du cerveau.
Il ne diagnostique pas la maladie d'Alzheimer à lui seul. Il ne détecte pas les troubles très débutants chez les personnes cultivées. Il ignore certains autres signes clés que les gériatres recherchent à l'entretien ou lors d'un bilan plus étendu neuropsychologique (jugement, comportement, humeur). Le résultat du MMS est influencé par l'éducation, la fatigue, le stress, l'existence d'une dépression et certains traitements.
📖 Cas réel anonymisé :
*Madame D., 72 ans, professeure de lettres à la retraite. Score MMS : 28/30 (excellent). Pourtant, sa famille remarque :*
- Elle oublie les rendez-vous
- Elle a du mal à gérer ses finances (elle qui tenait les comptes au centime près)
- Elle répète 3 fois la même question dans la journée
Pourquoi le test est “normal” ?
Parce que Madame D. a un niveau socioculturel élevé. Son cerveau compense les premiers déficits grâce à ses réserves cognitives. Le MMS, trop simple pour elle, ne détecte rien.
✅ Solution : Des tests neuropsychologiques plus poussés (MoCA, batterie complète) ont révélé un Alzheimer débutant.
Le film Still Alice aide à comprendre cette limite. Dans ce film, une professeur de faculté développe une maladie d'Alzheimer précoce. Pour elle, un MMS n'aurait pas eu grand sens en début de maladie.
Le MMS se concentre surtout sur la mémoire, l'orientation, le calcul et le langage. Or, certaines maladies de la mémoire attaquent d'abord d'autres fonctions :
💡 Message clé : Un MMS normal n'exclut pas une maladie de la mémoire. Le MMS s'intègre dans une évaluation complète nécessaire pour établir un diagnostic médical précis.
Certains facteurs sont connus pour diminuer artificiellement le score MMS. Par exemple :
📊 Exemple concret :
Monsieur L., 78 ans, score MMS : 21/30 (inquiétant). Le diagnostic initial était celui d'un “début de maladie d'Alzheimer”.
L'évaluation gériatrique complète est réalisée.
- ✅ Une dépression sévère non traitée est diagnostiquée.
- ✅ Un épisode confusionnel est rapporté le mois précédent suite à une chirurgie digestive.
- ✅ La prise de 2 somnifères et d'un médicament contre l'anxiété expliquent une partie de la baisse du score par des problèmes de concentration.
- ✅ Une carence en vitamines dans le sang est retrouvée qui favorise les troubles.
Après traitement de la dépression, adaptation des traitement et mise en place d'une supplémentation en vitamine, le score du MMS est remonté à 27/30 en 3 mois. Le risque de développer une maladie d'Alzheimer n'est pas totalement exclus, cependant la situation s'est nettement améliorée.
L'erreur consisterait à annoncer un “début d'Alzheimer” sur la base d'un seul score MMS bas, sans en chercher les causes réversibles (dépression, médicaments, carences).
Cela aurait pour résultat d'inquiéter inutilement les familles, de porter un diagnostic erroné et serait susceptible d'engendrer un traitement inadapté.
Le seuil “pathologique” du MMS varie selon le niveau d'éducation :
Chaque situation est unique et nécessite une interprétation fine des résultats au MMS. Par exemple, un score de 27/30 avec une perte de 3 points au rappel différé est nettement pathologique alors qu'un score de 24/30 avec des pertes uniquement sur le calcul chez une personne n'ayant pas de diplôme peut être rassurant.
💡 Exemple concret :
Madame M., 80 ans, ancienne agricultrice (certificat d'études). Score MMS : 24/30.
❌ Interprétation erronée : “Troubles cognitifs légers”
✅ Interprétation correcte : Perte de 6 points sur le calcul. Score normal pour son niveau d'éducation. Surveillance simple.
Ce que le MMS ignore complètement :
📖 Cas réel anonymisé :
Monsieur P., 72 ans, ancien cadre bancaire. Score MMS : 28/30 (excellent).
Pourtant :
- Il a viré 15 000€ à un “ami” rencontré sur internet
- Il a acheté une voiture qu'il n'utilise jamais (il ne conduisait plus depuis 2 ans)
- Il se met en colère violemment pour un rien (jamais vu avant)
Diagnostic après évaluation complète : Dégénérescence fronto-temporale (variante comportementale). Malgré un MMS dans la norme, on observait une altération marquée du jugement et du comportement.
L'erreur à éviter est de se fier uniquement au MMS pour exclure une maladie de la mémoire.
Règle d'or : Si la famille observe des changements anormaux (mémoire, comportement, jugement), il est essentiel de consulter un gériatre ou un neurologue ou un psychiatre même si le MMS est normal.
Questions à poser au médecin :
Questions à poser au médecin :
Questions à poser au médecin :
Questions à poser au médecin :
⚠️ ATTENTION : Ce tableau est une SIMPLIFICATION.
Chaque personne est unique. Un score MMS doit toujours être interprété en tenant compte de :
Un gériatre peut interpréter correctement un MMS.
Pour diagnostiquer (ou écarter) une maladie d'Alzheimer, le gériatre a besoin de bien plus qu'un simple MMS. Voici les 8 étapes d'une évaluation complète :
Ce que le gériatre recherche (exemples) :
Pourquoi c'est fondamental : De nombreuses maladies imitent Alzheimer. Il faut les éliminer d'abord.
Médicaments qui PROVOQUENT des troubles de mémoire :
💡 Souvent, arrêter 1 ou 2 médicaments améliore le score MMS de 3-5 points en quelques semaines.
Tests plus fins que le MMS :
Durée : 1h à 2h avec un neuropsychologue
Ce que l'imagerie peut révéler :
⚠️ Important : Une IRM normale n'exclut pas une maladie d'Alzheimer débutante.
Certaines analyses sont indispensables dans le cadre d'un diagnostic de maladie d'Alzheimer :
💡 Cas réel : Carence sévère en B12 mimant un Alzheimer. Score MMS 18/30 → après 6 mois de traitement : 27/30.
Ces analyses permettent de mieux préciser le type de maladie.
Qui en a besoin ?
Personnes jeunes (< 65 ans), formes atypiques, doutes diagnostiques, personnes participant à la recherche médicale
Il est essentiel de dépister systématiquement :
Pourquoi ?
La dépression chez la personne âgée peut mimer une maladie de la mémoire et dans ces situations traiter la dépression améliore souvent le MMS. Bien sûr, le diagnostic de la mémoire doit quand même être poursuivi.
Voici quelques questions que le gériatre pose à la famille :
💡 L'observation quotidienne de la famille vaut PLUS qu'un score MMS. L'IADL est un test rapide qui permet de repérer certaines difficultés du quotidien. Il est toujours analysé.
✅ Conclusion :
Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer repose sur une évaluation globale et rigoureuse. Un score au MMS, même anormal, ne permet jamais à lui seul de conclure à la présence de la maladie. Le diagnostic formulé au terme des examens reste un diagnostic de présomption, car rien ne permet d'affirmer définitivement qu'il s'agit de telle ou telle maladie. Seule une biopsie du cerveau le permettrait, ce qui n'est pas envisageable.
Un diagnostic fiable nécessite au minimum :
👉 En résumé : le MMS seul ne suffit jamais. Il s’intègre dans une démarche diagnostique multidimensionnelle, médicale, biologique et clinique.
1. “Ce score est-il adapté au niveau d'éducation de mon proche ?”
Exemple : Si votre proche a fait des études supérieures, un score de 27/30 peut être anormal pour lui/elle.
2. “Faut-il tenir compte de son âge et de ses longues maladies pour interpréter ce résultat ?”
À 95 ans avec plusieurs maladies associées, un score de 24/30 peut être acceptable. À 70 ans sans maladie associée, c'est plus inquiétant.
3. “D'autres facteurs peuvent-ils influencer ce score ?”
Fatigue ? Stress ? Mauvaise audition ? Médicaments ? Autres maladies ?
4. “Ce score exclut-il TOUTE maladie de la mémoire ?”
Réponse attendue : NON. Un score normal n'exclut pas une maladie de la mémoire débutante.
5. “Ce score bas signifie-t-il forcément Alzheimer ?”
Réponse attendue : NON. Il peut y avoir plein d'autres causes réversibles ou non.
6. “Pensez-vous que certains médicaments puissent occasionner ou favoriser des troubles de la mémoire ?”
Insistez si votre proche prend des somnifères, anxiolytiques, antiallergiques.
7. “Une dépression pourrait-elle expliquer ces résultats ?”
La dépression du sujet âgé = cause fréquente de faux Alzheimer.
8. “Pensez-vous qu'il soit intéressant de rechercher des carences dans une prise de sang ?”
Les carences en vitamine B12 en hormone thyroïdienne ou une anémie sont des causes réversibles fréquentes.
9. “Faut-il faire une IRM du cerveau ?”
L'imagerie cérébrale est indispensable pour éliminer d'autres origines que l'Alzheimer et rechercher des signes compatibles avec l'Alzheimer.
10. “Quels examens complémentaires recommandez-vous ?”
Rappelez-vous qu'un MMS seul ne suffit jamais.
11. “Faut-il consulter un gériatre ou intégrer une consultation mémoire spécialisée ?”
Si le médecin traitant n'est pas gériatre, cette orientation est indispensable.
12. “Quand refaire le test ?”
Généralement : tous les 6 à 12 mois pour suivre l'évolution.
13. “Comment surveiller l'évolution à la maison ?”
Notez les changements concrets : oublis, difficultés nouvelles, changements de comportement.
Imprimez cette liste de questions et amenez-la à la prochaine consultation. N'ayez pas peur de “déranger” : le plus important est de comprendre.
— Sophie, 48 ans, fille de Madame B.
“Ma mère avait eu 27/30 au MMS. Le médecin nous avait dit 'tout va bien'. Mais nous, on voyait qu'elle oubliait les rendez-vous, qu'elle avait du mal à gérer ses médicaments. On voyait son comportement changé. On a insisté pour voir un gériatre.
Le gériatre a fait des tests plus poussés (MoCA, tests, prise de sang, IRM). Résultat : Alzheimer débutant. Elle avait compensé grâce à son niveau d'éducation (elle était prof).
Ça nous a permis de mettre en place ce qui fallait tout de suite.”
— Nathalie, 62 ans, fille de Madame T.
“Maman avait 13/30. On pensait que c'était irréversible. Le gériatre nous a expliqué que ce n'était pas forcément Alzheimer.
Il a fait une IRM et nous a dit qu'elle avait trop du liquide en trop dans le cerveau. Ça expliquait aussi ses chutes et son incontinence qui la gênait beaucoup.
Il nous a envoyé chez le neuro-chirurgien qui nous a dit qu'elle avait besoin d'un drain pour vider un peu le liquide. Après le drain, son MMS est passé de 13/30 à 22/30 en 6 mois.
Depuis 2 ans, son score reste stable.”
— Marc, 55 ans, fils de Monsieur L.
“Le médecin de l'hôpital nous a annoncé que papa avait 19/30 au MMS. Il nous a dit 'début d'Alzheimer, préparez-vous'.
On était effondrés. Mais un ami nous a conseillé de voir un gériatre avant de conclure.
Le gériatre a fait plein d'examens. Il a découvert une dépression sévère (après le décès de maman). Et puis il a changé son traitement en diminuant petit à petit les somnifères qui abrutissaient papa. Sans compter sur les carences qui nous ont étonné. Pourtant, on croyait que papa mangeait toujours bien.
Après 3 mois de traitement, le score était remonté à 23/30. Il va beaucoup mieux maintenant et continue son suivi avec le gériatre tous les quatre à six mois.”
— Isabelle, 50 ans, fille de Monsieur P.
“Papa a fait un infarctus grave. À l'hôpital, un médecin lui a fait passer un MMS : 20/30.
Le médecin réanimateur nous a dit : 'Avec ce score, on ne réanime pas. Alzheimer trop avancé.'
On a exigé un avis gériatrique. Le gériatre a découvert que papa souffrait d'une confusion et que le test n'était pas représentatif. En plus, avec son niveau d'éducation (certificat d'études), le score pouvait être considéré presque normal 20/30 pour lui. Il a proposé de le suivre après sa réanimation.
Finalement, papa y est allé. Il a survécu. Aujourd'hui il va bien, le gériatre vient de lui refaire les tests et a trouvé 26/30. 'Exceptionnel' nous a-t-il dit. Sans notre insistance, il serait mort à cause d'une mauvaise interprétation du MMS.”
Votre rôle : Demander une évaluation gériatrique complète.
1. Le MMS = Test de repérage, pas de diagnostic
Comme un test de grossesse : s'il est positif, il faut des examens complémentaires.
2. Un score normal n'exclut rien
Surtout chez les personnes cultivées, le MMS peut rester normal pendant 2-3 ans au tout début d'une maladie d'Alzheimer.
3. Un score bas ne signifie pas forcément Alzheimer
Il existe de nombreuses causes réversibles : dépression, médicaments, carences, fatigue et de nombreux facteurs de risque sur lesquels agir. Il est important de les rechercher d'abord.
4. Seule une évaluation complète permet un diagnostic
Cette évaluation comprend d'autres tests de la mémoire, un examen médical, un bilan sanguin, une IRM, une analyse de la situation avec la famille et un suivi.
5. Écoutez votre instinct de famille
Si vous sentez que “quelque chose cloche”, insistez pour obtenir une consultation gériatrique, même si le MMS est normal.
📝 Observez et notez :
📋 Préparez la consultation :
🩺 N'hésitez pas à demander :
🤝 Accompagnez votre proche :
Consultez un médecin spécialisé en gériatrie (à partir de +65 ans), en neurologie ou en psychiatrie pour poser un diagnostic de maladie de la mémoire.
En cas d'inquiétude, consultez :
Associations d'aide aux aidants :
Rejoignez 300+ familles qui reçoivent notre newsletter “Bien Vieillir Ensemble” :
Le test MMS est un test de repérage rapide et standardisé qui a toute sa place dans l'évaluation initiale d'une personne âgée présentant des troubles de la mémoire.
Cependant, il présente des limites importantes :
Pour un diagnostic fiable, il faut toujours :
Message final aux familles :
Un simple score MMS ne suffit pas pour conclure à un Alzheimer ou pour exclure une maladie de la mémoire.
Si vous avez des doutes, si quelque chose “cloche” dans le comportement quotidien de votre proche, demandez une consultation spécialisée en gériatrie (+65 ans), en neurologie ou en psychiatrie.
Votre observation quotidienne vaut bien plus qu'un test de 10 minutes au cabinet.
Vous avez le droit de comprendre. Vous avez le droit de poser des questions. Vous avez le droit de demander une évaluation complète.
🔬 Pour les professionnels de santé :
🏛️ Recommandations officielles :
🌐 Ressources complémentaires :
Sources scientifiques :